Avec quelques jours de retard, je vous souhaite à tous un bonne entrée dans l'Avent, ce temps offert comme une parenthèse de joie et de lumière, une marche vers la grande fête de Noël!
Je vous souhaite un temps qui ne soit pas qu'une course effrénée vers les grands (ou petits!) magasins, une galopade d'angoisse entre menus à élaborer et cadeau pour l'arrière-grand-tante à trouver!
Mais au contraire, un temps privilégié pour admirer lumières et sapins, un temps donné pour penser aux autres, un temps pour s'émerveiller, un temps pour regarder autour de soi et voir ceux qu'on ne voit pas toujours à l'ordinaire...
... Un temps pour vivre!...
... Le temps file bien vite, pour nous, les "grands", mais ce n'est visiblement pas la perception de mes petits Bouts qui piaffent d'impatience devant leur calendrier de l'Avent: encore tous ces jours à attendre Noël!!! ("Dis, Maman, si on ouvrait 2 petites boites par jour, est-ce que Noël viendrait plus vite" demande Poussinette, maligne et gourmande!).
J'ai trouvé l'idée de ce calendrier chez "Loisirs et création": j'ai acheté un support en contre-plaqué, de la peinture verte et dorée. Puis je me suis amusée à décorer 24 petites boîtes avec ce qui me tombait sous la main (bouts de feutrine, serviettes en papier et "vernis colle", pommes de pain ramassées dans la colline et peintes, petites épingles à linge,....!) et les ai collées après les avoir garnies de petites gourmandises. Tous les jours, c'est la joie à l'heure d'ouvrir une petite boîte!
Heureux enfants!...
Et puis, hier soir, comme un contre-point à toutes ces belles choses qui les font rêver dans les magazines et qui bientôt garniront leurs chaussures, je leur ai lu ce magnifique texte de Jean Guéhénno... Je vous le partage aussi...
L'orange de Noël
Le soir de Noël, quand j’avais huit ans, je courais, quelques sous en main donnés par ma mère, à la rencontre d'une épicerie. Mon trésor ne devait payer que la plus belle orange. Je bondissais chez Fichepoil, courais chez Ealet, revenais encore chez Fichepoil. Qui dira ce que peut être dans un enfant l'intensité du désir et sa certitude de toucher bientôt au bonheur ? C'est ce désir et cette certitude qui ne doivent pas être trompés, et un Dieu naissait cette nuit-là précisément pour les combler.
Je revenais un peu avant minuit portant dans une main une admirable orange enveloppée d'un papier de soie, dans l'autre un sac de chocolats à faveur rose. La distribution de chocolats, la messe de minuit, la visite à la crèche, puis la fête qui s'éteint.
Je regardais ma belle orange, ajoute-t -il. Et voici ce qui, rituellement, arrivait : ma mère la tirait de son papier de soie ; tous deux nous en admirions la grosseur, la rondeur, l'éclat ; je prenais dans le buffet un de ces beaux verres à pied en cristal qu'on achetait alors dans les foires (...), je le renversais, le mettais à droite, au bout de la cheminée, et ma mère posait dessus la belle orange. La pomme d'or prenait ainsi sa place parmi tous nos fétiches(...).
Pendant des mois, elle nous assurait par ses belles couleurs que le bonheur et la beauté étaient de ce monde. Quelquefois je la palpais, je la tâtais. Il m'arrivait d'insinuer qu'elle serait bientôt mûre.
- Attendons encore ! répondait ma mère. Quand nous l'aurons mangée, qu'est~ce qui nous restera ?
Nous attendions.
En avril ou mai, il fallait la jeter, parce qu'elle était gâtée. Je n'ai pas de souvenir d'avoir jamais mangé l'orange de Noël. Triste fin pour cet objet de désir et de convoitise !
... toujours, dans ma pensée, la nuit de Noël devra sa grandeur à ces souvenirs que j'ai rapportés, et il m'arrive encore de songer au bonheur comme à une belle orange de Noël qu'il faudrait partager entre tous les hommes pour que réellement ils la mangent.
Jean Guéhenno (Académie Française)