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Mots et mets
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16 février 2011

Voyage en Bretagne...

  Mon post précédent, Brochettes de St Jacques, confit de pommes et beurre de cidre, est évidemment très clairement tourné vers la Bretagne et ses saveurs si douces.. J'en profite pour vous partager ces extraits de Maupassant qui ramène ces images d'un voyage fait en Bretagne. Sa vision est celle d'une Bretagne tourmentée, soumise aux élémentsqui la dépassent... Ce n'est pas la mienne, mais j'aime le ton puissamment tragique de Maupassant qui se veut "guide pour les voyageurs"...

(Illustration: "La barque" de J.P. Daubin. Daubin est un peintre contemporain que j'affectionne tout particulièrement.Admirez ses ciels immenses et si riches....!)

Daubin

 

Voyage en Bretagne

Entre toutes les vieilles provinces de France, la Bretagne est une des plus curieuses ; on en peut, en dix jours, connaître assez pour en savoir le tempérament, car chaque pays, comme chaque homme, a le sien.
    Traversons-la, en quelques lignes. Allons seulement de Vannes à Douarnenez, en suivant la côte, la vraie côte bretonne, solitaire et basse, semée d'écueils, où le flot gronde toujours et semble répondre aux sifflements du vent dans la lande.
    Le Morbihan, espèce de mer intérieure, qui monte et descend sous la pression des marées du grand Océan, s'étend devant le port de Vannes. Il le faut traverser pour gagner le large.
    Il est plein d'îles, d'îles druidiques, mystérieuses, hantées. Elles portent au dos des tumulus, des menhirs, des dolmens, toutes ces pierres étranges qui furent presque des dieux. Ces îlots, au dire des Bretons, sont aussi nombreux que les jours de l'année. Le Morbihan est une mer symbolique secouée par les superstitions.
    Et voilà le grand charme de cette contrée ; elle est la nourrice des légendes. Mortes partout, les vieilles croyances demeurent enracinées dans ce sol de granit.  (...)

 Le lendemain, je me remis en route, traversant des landes, des villages, des villes, Lorient, Quimperlé, si jolie dans son vallon, Quimper.
    La grand-route part de Quimper, monte une côte, coupe des vallées, passe une sorte de lac herbeux et morne, et pénètre enfin dans Pont-l'Abbé, la petite cité la plus bretonne de toute cette Bretagne bretonnante qui va du Morbihan à la pointe du Raz.
    A l'entrée, un vieux château, flanqué de tours, mouille le pied de ses murs dans un étang triste, avec des vols d'oiseaux sauvages. Une rivière sort de là, que les caboteurs peuvent remonter jusqu'à la ville. Et dans les rues étroites, aux maisons séculaires, les hommes portent le chapeau aux bords immenses, le gilet brodé magnifiquement, et les quatre vestes superposées : la première, grande comme la main, couvrant au plus les omoplates, et la dernière s'arrêtant juste au-dessus du fond de culotte.
    Les filles, grandes, belles, fraîches, ont la poitrine écrasée dans un gilet de drap qui forme cuirasse, les étreint, ne laissant même pas deviner leur gorge puissante et martyrisée. Et elles sont coiffée d'une étrange façon. Sur les tempes, deux plaques brodées en couleur encadrent le visage, serrent les cheveux qui tombent en nappe, puis remontent se tasser au sommet du crâne sous un singulier bonnet, tissu souvent d'or et d'argent.
    Et la route sort de nouveau de cette petite cité du moyen âge oubliée là. Elle s'avance à travers la lande piquée d'ajoncs. (...)

Depuis longtemps déjà on aperçoit la grande ligne des flots gris, qui semblent dominer toute cette campagne nue et basse. Crevant partout la vague, des rochers, des troupeaux d'écueils pointus montrent leurs têtes noires cerclées d'écume comme si elles bavaient ; et là-bas, contre l'eau, quelques maisons frileuses cherchent à se cacher derrière de petits tas de pierres pour éviter l'éternel ouragan du large et la pluie salée de l'Océan. Un grand phare, qui tremble sur sa base de rochers, s'avance jusqu'à la vague.

Guy de Maupassant

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Commentaires
V
Ses écrits vont très bien avec un look urbain (non, ne me regardez pas bizarrement... si certaines personnes associent des couleurs aux sons, moi ce sont des vêtements aux mots)
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K
Maupassant écrivait si bien, c'est un régal de le lire. <br /> <br /> Kalinka
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